je partage avec vous cette belle analyse lue in L'OBS. Dans
l'attente de vos commentaires, je vous souhaite une bonne lecture.
"La colonisation a
été un crime contre l'humanité", déclare le candidat d'En Marche !,
suscitant un tollé. Quelques éléments de rappel pour les oublieux.
On les comprend et on les remercie, car sans leurs ululements, on n’aurait sans doute prêté qu’une attention distraite aux propos effectivement prononcés par l’ancien ministre de l’Economie à Alger, et on aurait raté quelque chose. Face aux caméras de la télé privée "Echourouk news", M. Macron a-t-il bien déclaré que la colonisation était un "crime contre l’humanité" ? Oui, mais contrairement à ce que l’on voudrait faire croire, cette phrase s’inscrit dans un raisonnement dont on avoue bien volontiers qu’on le trouve d’une grande finesse et d’une grande exactitude.
Cela fait des décennies que la classe politique cherche à se dépatouiller du souvenir complexe de l’histoire coloniale. En moins de deux minutes, le jeune candidat nous indique avec brio la voie à suivre pour le faire. Oui, dit-il en substance, la colonisation a été une horreur, une "barbarie", un "crime contre l’humanité", mais il ne faut pas enlever à cet épisode sa complexité en refusant de voir qu’il a été fondé sur un projet qui a pris le masque de l’émancipation (c’est ce qu’il résume par l’élégante formule : "La France a apporté les droits de l’homme mais elle n’a pas su les lire") et enfin, il faut réussir à dépasser enfin cette histoire pour sortir de la "culture de la culpabilisation sur laquelle on ne construit rien". Reprenons l’un après l’autre chacun de ces trois points.
Oui, la colonisation a représenté une forme de "barbarie"
La colonisation, c’est-à-dire ce long phénomène historique qui voit l’Europe réussir progressivement, à partir du XVIe siècle (conquête de l’Amérique), à dominer, en trois siècles, la quasi totalité de la planète peut-elle être considérée, dans son ensemble comme un "crime contre l’humanité" ?
Sur un strict plan juridique, c’est difficile à
affirmer de façon globale : le "crime contre l’humanité", tel qu’il est
défini après la Seconde guerre mondiale au procès de Nuremberg, implique
une volonté d’exterminer une population ou de l’asservir. Le projet
général des puissances coloniales était de dominer et d’exploiter à leur
profit, les pays colonisés, non pas d’éliminer leurs populations de la
surface de la Terre, d’autant qu’elles pouvaient leur servir.
Il est clair néanmoins que l’histoire coloniale dans son ensemble est jalonnée d’épisodes qui méritent largement le qualificatif de barbares. Rappelons le bilan du moment inaugural de la colonisation européenne, la conquête des Amériques par les Espagnols : en un siècle, la population indienne chute d’environ 90% ! Cet effondrement est dû au "choc microbien", bien sûr, aux maladies importées à leur corps défendant par les conquistadors, mais aussi à leurs pratiques : les Espagnols n’avaient d’autres projets pour les populations soumises que de les soumettre à l’esclavage. Nombre d’Indiens, ne pouvant y résister, en sont morts.
Citons encore deux pages atroces de la colonisation de l’Afrique, au XIXe siècle. Dans les années 1880, le roi des Belges Léopold II acquiert le Congo, un domaine d’une surface 80 fois supérieure à la Belgique, et il en laisse l’exploitation économique à des sociétés privées – dites "concessionnaires" – qui ont tout pouvoir pour contraindre les populations à procéder aux récoltes de l’ivoire, d’abord, puis du latex, pour faire le caoutchouc. Leur brutalité dépasse l’entendement. La méthode la plus classique utilisée par les agents de Léopold pour soumettre les villages consiste à couper les mains des récalcitrants.
Il est clair néanmoins que l’histoire coloniale dans son ensemble est jalonnée d’épisodes qui méritent largement le qualificatif de barbares. Rappelons le bilan du moment inaugural de la colonisation européenne, la conquête des Amériques par les Espagnols : en un siècle, la population indienne chute d’environ 90% ! Cet effondrement est dû au "choc microbien", bien sûr, aux maladies importées à leur corps défendant par les conquistadors, mais aussi à leurs pratiques : les Espagnols n’avaient d’autres projets pour les populations soumises que de les soumettre à l’esclavage. Nombre d’Indiens, ne pouvant y résister, en sont morts.
Citons encore deux pages atroces de la colonisation de l’Afrique, au XIXe siècle. Dans les années 1880, le roi des Belges Léopold II acquiert le Congo, un domaine d’une surface 80 fois supérieure à la Belgique, et il en laisse l’exploitation économique à des sociétés privées – dites "concessionnaires" – qui ont tout pouvoir pour contraindre les populations à procéder aux récoltes de l’ivoire, d’abord, puis du latex, pour faire le caoutchouc. Leur brutalité dépasse l’entendement. La méthode la plus classique utilisée par les agents de Léopold pour soumettre les villages consiste à couper les mains des récalcitrants.
Les mains coupées du Congo. (Domaine public)
Quelques
photos montrent les membres coupés, dressés en pyramides. Au total, les
massacres du Congo font des millions de victimes. Citons aussi la façon
dont les Allemands, à partir de 1904, ont écrasé, dans leur colonie de
Namibie, la révolte des Hereros : leur population passe, en quelques
années de 80.000 à 15.000 individus.